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Quelques réflexions sur l’obligation scolaire dès 3 ans

Dernière mise à jour : 21 janv. 2021

Article rédigé par Hélène VANDEVENTER, Conseillère principale d’éducation (CPE) dans un lycée professionnel de l’Éducation Nationale, pour le pôle éducation des AFP.


Je constate encore une fois que cette loi sur l’obligation scolaire prend sa source au sein d’une inquiétude généralisée suite aux derniers évènements touchant au principe de laïcité. Je m’interpelle sur le fait de ne pas regarder avec objectivité l’école dans ses grands principes et surtout dans la réalité du terrain. Légiférer encore de façon plus radicale sur le cadre de l’école et de l’instruction obligatoire me semble peu productif en termes d’intégration des valeurs républicaines, notamment de la laïcité. Trouver des solutions à des systèmes d’école radicalisée ou « radicalisante » ne se trouvent pas forcément dans la construction d’une loi supplémentaire, mais plutôt au niveau du suivi des inspections des écoles hors contrat qui existe déjà et doit être réactualiser afin d’anticiper les dysfonctionnements liés à la radicalisation.


La demande de projet éducatif et de projet pédagogique pour toutes les organisations touchant à l’éducation en France (école sous contrat, hors contrat, centre d’accueil de mineurs, les clubs de sport et de loisir, etc.) est une vraie exigence de l’Etat et s’est renforcée depuis ces dernières années. Cela ne va pas sans poser problème d’ailleurs dans certains départements ou les aides de la CAF sont refusées à des associations confessionnelles. Le monde protestant, du fait de ses associations multiples et variées, n’est pas exempté de cette problématique.



Il y a toujours, dans une loi promulguée, sa source et son sens. Comment cette obligation va-t-elle être comprise et vécue ? Comment les acteurs premiers - les parents - ont-ils été associés ? Comment les directeurs d’écoles maternelles ont-ils été consultés ? Il apparaît souvent que des réformes scolaires soient promulguées sans le sentiment d’une vraie connaissance du terrain.


Dans le 1er degré, l’autonomie d’un directeur(trice) d’école est limitée. Que dire à des parents soucieux du rythme de leurs enfants qu’ils sont obligés à présent de mettre leur enfant de 3 ans toute la journée ? Les témoignages d’acteurs de terrain que j’ai pu recueillir sont mitigés sur le thème du rythme scolaire mais se sentent valorisés par cette obligation car leur rôle de professeur(e) des écoles maternelles a été trop longtemps sous-estimé. C’est un aspect positif non négligeable !


Voici quelques réflexions et analyses recueillies en début d’année scolaire par des professeures des écoles en maternelle et CP.


J’ai pu rencontrer 3 professeures des écoles de maternelle et une exerçant cette année au niveau cours préparatoire. Elles sont toutes mamans avec des enfants de 2 à 18 ans.


Les 3 professeures des écoles en maternelle m’ont exprimé leur satisfaction concernant l’obligation scolaire dès 3 ans : « Cela a revalorisé notre travail au quotidien et les parents commencent à avoir un autre regard sur notre investissement professionnel. L’instruction et l’accompagnement dans les apprentissages en maternelle étaient considérés jusque-là comme de l’éveil éducatif qui pouvait éventuellement préparer les enfants à l’école primaire mais pas nécessairement non plus ! »


Elles précisent cependant ne pas avoir vu de différence en termes d’effectif depuis la mise en place de cette loi.


Elles s’accordent pour dire que la maternelle renforce l’égalité des chances. Beaucoup d’enfants ne sont pas stimulés dans leur famille car les parents ne prennent pas le temps de parler avec eux. La place des écrans et leur utilisation au sein du foyer est de plus en plus importante. « En maternelle nous travaillons beaucoup l’expression orale et nous pouvons anticiper déjà dès la moyenne section des difficultés d’apprentissage ». Il est important de souligner que ces familles ne sont pas nécessairement des familles socialement en difficulté.

« Ensuite en maternelle nous avons le privilège de parler aux parents de manière régulière car ils ne sont pas dans un rapport d’obligation de résultats scolaires et sont donc plus libres d’exprimer leur ressenti ou leur crainte. Nous pouvons parler d’accompagnement des familles et rencontrons trop souvent des mères isolées qui se déprécient et qui ont besoin de soutien. Dans le primaire, nous avons beaucoup moins ce rapport car les enfants ne sont plus accompagnés dans les classes mais laissés devant l’école. »


L’hétérogénéité des classes en maternelle s’est accentuée et rend leur travail beaucoup plus difficile. Elles espèrent que cette obligation entrainera de la part de l’éducation nationale une prise de conscience pour donner des moyens plus grands notamment en termes de création de classe. Ces 3 professeures des écoles me confirment qu’elles ont entre 26 et 28 élèves en classe. Bien sûr il y a les ATSEM mais la charge de travail reste considérable.

L’obligation scolaire dès 3 ans renforce donc pour les familles l’importance d’y venir régulièrement afin d’accompagner ces enfants vers l’apprentissage de l’autonomie et de la sociabilité de manière plus efficiente.


Le point négatif qu’elles m’ont toutes soutenu est la problématique de la sieste pour la petite section.


Pourquoi cette problématique est-elle importante ?

Beaucoup de familles souhaitent gérer ce temps « car, disent-ils, nous connaissons le rythme de sommeil de notre enfant » et « à dormir à l’école autant dormir à la maison ». Les familles peuvent demander un aménagement de l’obligation d’assiduité pour les petites sections. Pour les directeurs(trices) des écoles la souplesse est de rigueur mais reste difficile à gérer. Là aussi les moyens en termes de nombre de lits ou l’espace nécessaire sont très fluctuants d’une école à l’autre.

La professeure des écoles ayant en responsabilité des élèves de cours moyens me disait qu’elle voyait un réel retard cette année de la majorité des élèves car ces élèves ont été confinés tout un trimestre (printemps 2020). En effet, ces élèves ont des difficultés plus accentuées comme par exemple dans la tenue du crayon ou la concentration, ce qui appuie l’idée de la pertinence des apprentissages en maternelles. Tous ces élèves n’ont pas été stimulés et beaucoup de familles se sont retrouvées en grande difficulté.


Voici à présent le témoignage d’une famille ayant dû renoncer à l’école à la maison.

L’interrogation de la famille sur cette loi vient du fait qu’elle ressentait un manque de confiance de la part de l’Etat sur leur capacité à éduquer. D’autant que chaque année leur enfants étaient soumis à l’examen obligatoire ainsi qu’à une visite de l’inspecteur pour pouvoir passer en classe supérieure. Ils vivent cette réforme comme un manque de liberté contraire à la devise nationale.


En résumé, il ne me semble pas incompatible de promulguer l’obligation scolaire dès 3 ans et de garder la liberté du choix éducatif propre à chaque famille.


POURQUOI ?


Cela engendre beaucoup de frustrations inutiles qui pourrait accentuer une certaine défiance vis-à-vis de l’Etat et donc un repli communautaire.


Il me semble clair que l’obligation scolaire dès 3 ans reste un facteur important d’égalité des chances. C’est aussi un facteur d’intégration pour certaines familles d’origine étrangère notamment, tant pour les parents que pour les enfants. La compréhension de la laïcité et également du système scolaire pour un grand nombre de parents reste insuffisante.

Reconsidérer le domaine de l’inspection par l’éducation nationale des familles qui font l’école à la maison ou des écoles hors contrat me semble cependant important. Cela ne valait pas pour autant de reconsidérer la loi de manière excessive voir infantilisante. Je crois fermement que la confiance que l’on doit donner aux familles en termes de choix éducatifs est primordiale et non incompatible avec un cadre éducatif protégeant tout radicalisme. Cette loi sur le séparatisme est construite (encore une fois) sur une non clarté et visibilité de ce qu’est la laïcité, c’est-à-dire non pas une absence de religion, mais une liberté religieuse encadrée par l’Etat.

Depuis la séparation des Eglises et de l’Etat légiférée en 1905, les protestants ont été présents et déterminés à garder des valeurs démocratiques au sein du système éducatif. Nous croyons à un Dieu qui rend libre et responsable. Demandons-lui sa sagesse pour être à la fois artisan de paix et ferme dans nos valeurs de citoyens engagés. Souvenons-nous qu’une des valeurs de la République, la fraternité, a été proposée par les protestants. Elle reste un devoir que nous avons les uns vis-à-vis des autres.



Merci à Coralie, Claudie, Stéphanie, Sandra et Timothée… pour leur témoignage.


Hélène Vandeventer

Publication : 13/01/2021


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